| Avec des si, elle scierait |

Je me rapproche de plus en plus de toute cette masacarde ridicule dans laquelle tombe la plupart des gens. Je me surprends à devenir niaise comme rarement. A glousser toute une soirée avec D. devant la scène, avec le trompettiste ridicule. Et putain que ça fait du bien. Mais ça m'énerve. Je me sens emportée sans vraiment l'vouloir. Et m'voilà à hésiter à aller à ce concert de Raphael. Moi qui avais toujours craché sur ses petits fans en furie, groupies ridicules. Tiens si j'étais pas une fille, j'irais volontiers. Mais là ça fait tellement cliché que ça m'énerve. L'adolescente de 16 ans qui va se trémousser devant Raphael, complètement aveuglée par lui, toute ouïe tout sourire, moche à en crever perdue dans la masse de ces toutes pareilles venus l'acclamer. Arf. Mais je me dis que ça serait louper quelque chose. Car putain que c'est beau, le soir, quand je m'endors avec sa voix qui me berce.

Et puis, ouais. J'suis comme les autres et c'est p'têtre pas plus mal. J'me la joue adolescente en pleine crise d'identité, qui doit afficher ses phrases cultes en les gribouillant sur ses murs, doit placarder les flyers des trucs où elle a été, punaiser les jolies cartes en noir et blanc, les bouts de brikabrak, sur la porte de la chambre, ces trucs style Ikéa, tous transparents pour glisser des photos dedans, cliché encore, puis les numéros de téléphones un peu partout que je laisse traîner à moitié exprès, toussa. Mais ça me plaît alors merde. Si ça me correspond, si c'est à mon image, à la limite, merde. Je me mets à douter de tout mon comportement. Ce qui est sincère, naturel, le reste. Le paraître, toutes ces conneries qui salissent la vie.

J'ai envie d'écrire ma vie. Oh putain quel égo-centrisme, oui je suis d'accord. Complètement.Mais j'parlais avec ma chère et tendre mère, et puis paf padapoum, de fil en aiguilles elle m'a dit que je devrais écrire, ces bouts de passé, mes souvenirs, car on croit souvent qu'on les gardera intacts alors que le temps emporte tout. Et puis je me suis dit que ça serait bien. Aussi pour faire de l'ordre, tout nettoyer, reconsidérer, prendre du recul peut-être, écrire tout. Les petites choses qui sont restées, toutes les petites accroches de la vie. Même si c'est inintéressant, c'est pas le but. Juste de garder une trace. Mise à part quelques pages de mes journaux intimes pathétiques d'il y a quelques années, je n'ai rien, qui restera vraiment. Et ça m'rendrait folle, à quoi ça sert de vivre si c'est pour oublier. [Bon oui, à quoi ça sert tout court me direz-vous!]

Et sinon, donc.

Hier soir c'était vraiment une belle soirée. Ca a terminé sur un 'Merci de m'avoir fait regoûter à tout ça, ça faisait longtemps. Ca me fait plaisir de te savoir comme ça.' Je me sentais drôlement bien, vers deux heures du matin, au coin d'une rue, sous un lampadaire, un peu de brouillard, nos voix qui se détachent sur le silence, à parler comme autrefois, avec lui. Les esprits qui se rejoignent, les mots qui sonnent tout doux au fond de nous, le sourire qui s'entend dans chaque mot, qui illumine les yeux. Et on est parti les deux heureux, je crois.
Et puis avant c'était bien aussi, avec D. et M. aussi, ambiance de vacances, des  sourire, l'année prochaine, les concerts, la pluie, le jazz que je me mets à drôlement aimer, pas que là, en général, puis P. qui nous taquine à tout bout de champ.
Les gens, partout, l'ambiance étrange, cette envie conne de sourire sans raison. On était bien je crois, là, ensemble.